Bien que publié il y a cinq ans, cet ouvrage de Laurent Kasindi reste d’une actualité indiscutable au regard d’un essaim de vérités quelque peu dérangeantes qui pourraient secouer, tellement le lecteur a l’impression d’entendre sa propre voix. S’appuyant sur des analyses simples ponctuées d’anecdotes tirées du quotidien, l’auteur apporte un message que de nombreux lecteurs ont qualifié de « touchant », « inspirant » ou « interpellateur » pour le citoyen ordinaire. Il parle de lui et de son pays avec une lucidité sincère, parfois désinvolte. Il extirpe de l’ombre le mal invisible qui gangrène de l’intérieur l’émergence du Congo, son pays; il pointe du doigt les « fausses vérités » qui égarent tout un peuple et font de ce grand Etat au cœur de l’Afrique un géant aux pieds d’argile.
Du témoignage des premiers lecteurs, il y a, dans cet autoportrait congolais, la même perception que certains maliens, guinéens, sierra-léonais, ivoiriens, tchadiens…ont de leurs propres pays. Cette expression populaire et désenchantée reflétant une séculaire résignation « c’est ça le Congo! » Voici ci-dessous un extrait qui vous en donne la teneur :
“La vérité est que le mal a bâti sa demeure au-dedans de nous : nous avons développé des pratiques individuelles qui condamnent la nation, une résignation complice, des lamentations inactives, des flatteries mesquines, un rejet total de toute responsabilité. […] Le mal congolais a servi de créateur, sinon de bouillon de culture à l’émergence de vautours, d’opportunistes et d’aventuriers qui entretiennent l’agonie du peuple congolais. Beaucoup de nos frères ont d’ailleurs pris le parti de s’adapter au contexte, de s’approprier des antivaleurs ‘rentables’ et de vouer leur vie à une survie personnelle – à court terme -entraînant une mort collective – à long terme.”(p.17)
A travers ce livre, Laurent Kasindi tient un langage diffèrent de ce que les Congolais entendent chaque jour. Il rappelle que les théories du complot contre le peuple congolais n’exonèrent pas celui-ci de prendre en main son destin, il dénonce les flatteries qui entretiennent le laisser-aller, il écorche les gains faciles, le rejet de toute responsabilité, la résignation coupable.
Ce livre rappelle le rôle de la famille et de la communauté de base qui « produit » les dirigeants congolais de demain.
Il interpelle les associations des jeunes et les mouvements d’étudiants que l’auteur connaît bien pour en avoir appuyé plusieurs : « L’on y voit déjà le microcosme de la vie politique nationale, cette tendance au gain facile, la tribalisation du pouvoir, le manque de confiance entre partenaires, des gens qui ne tiennent pas leur parole ; l’on y voit déjà cette culture de ne pas rendre compte lorsqu’on a de postes de responsabilités, cette tendance à s’accrocher au pouvoir, etc« , explique Laurent.
En bref, il développe un discours qui est adressé à lui-même, à ceux de sa génération et aux plus jeunes : » Peut-être que dès le départ, nous nous sommes posés les mauvaises questions, il est alors grand temps que nous nous posions les bonnes questions. Pendant que tout le débat au pays est focalisé sur ceux qui sont à la tête de l’Etat, l’alternance, la constitution, je pense qu’il y a un débat qui devrait être encore plus important dans la société, une discussion de fond pour préparer le Congo dont nous rêvons, et ceux qui porteront ce rêve. Car, peu importe ce qui va arriver, ceux qui dirigeront demain ont 15 ans aujourd’hui », conclu-t-il.
(Laurent KASINDI, Ces vérités qui nous mentent, Ed. Mary Bro Foundation Publishing, août 2018)