Depuis que le peuple congolais a commencé à aller aux urnes, jamais nous n’avons assisté à une campagne électorale aussi morne, brouillonne et médiocre que celle qui a commencé depuis deux semaines. Et voici pourquoi.
Les discours de campagne, chez la plupart des candidats, ( à quelques deux exceptions près) sont sans vision pour une alternance politique . Ils sont focalisés soit les invectives contre les tiers soit sur les accusations ad hominem contre les adversaires politiques mais très rarement sur un plan de sortie de crise dans laquelle s’est enlisé le pays.
Une seconde raison relève de la part des électeurs eux-mêmes qui n’utilisent que la démarche émotionnelle pour jauger les intentions de leurs candidats et apprécient leurs discours de campagne sous le prisme de la “logique wenge”. Le meeting d’un candidat est évalué au prorata du nombre de personnes qui ont rempli la salle, bien conformément à la mentalité “ Bercy”, à savoir des stades ou des salles remplies. N’allez surtout pas demander aux participants de ce meeting, le Messa qu’ils ont retenu en termes des formules de changement radical en bien de la situation sécuritaire et économique du pays. En réalité, ils n’ont rien retenu de leur candidat ni rien exigé de lui non plus. Tout se joue dans l’émotion avec une grande dose de superficialité.
Un troisième facteur de médiocrité a trait à quelque chose de plus profond que seulement peu d’observateurs ont pu cerner dans l’être profond du peuple congolais.
Au fond, aucun congolais ne croit en ces élections 2023. Personne n’y voit un nouveau cap qu’elles peuvent indiquer à la marche du pays. Tout se passe comme si aucun congolais ne se fait plus d’illusion sur le degré de pourriture qu’a atteint le pays. Dans le for intérieur des congolais, il s’est imprimé un pacte tacite d’aller aux urnes sans rien attendre de bon. L’impression générale qui se dégage c’est qu’aucun ne s’attend à du nouveau, aucun ne se nourrit d’un rêve d’un Congo nouveau, aucun n’est habité d’un idéal de changement du quotidien du petit peuple.
C’est bien là un phénomène sociologique très complexe dont il faut chercher les causes profondes dans le choc traumatisant des attentes déçues en janvier 2019 et dont le peuple congolais ne s’est jamais remis du tout. Encore sous le coup de ce traumatisme, le peuple congolais a perdu quelque chose au plus profond de ses profondes aspirations. Son rêve au progrès et à la croissance nationale s’est brisé. Quelque chose s’est cassé en lui et dont les prétendus candidats aux présidentielles ou aux législatives ne semblent point mesurer la gravité.
La seule passion qui habite présentement les congolais, c’est de chercher à survivre de ce marasme en se faisant candidats et de là s’accrocher, tel à un ballon de sauvetage, à un poste politique qui permet de faire partie du cercle restreint de privilégiés qui puisent à la mangeoire de l’Etat.
Ce désespoir généralisé, cette incapacité de rêver du meilleur pour le futur de son pays, ce sentiment d’être plombé et pris en otage par un petit groupe de brigands ayant verrouillé toutes les issues de secours, c’est la pire des choses qu’un peuple puisse vivre.
On a également fait un constat douloureux : une grande partie de l’élite intellectuelle ayant milité depuis 2006 pour l’avènement d’un Congo nouveau, a carrément jeté l’éponge. Victime elle-même du traumatisme de 2019, elle a choisi de se taire, ne contrôlant plus grand-chose du mécanisme interne de la crise d’un pays qui, à leurs yeux, va irrémédiablement à la dérive. Cette élite dégage cette impression que le sort de la RDC est déjà scellé et qu’il faut attendre se produire bon an mal an le pire des scénarios de partition du pays.
Au-delà de la médiocrité de cette campagne électorale, c’est plutôt ce processus d’auto-destruction dans lequel elle entraîne le pays tout entier qui constitue le danger le plus imminent. On a le sentiment que la RDC avance vers 2024 comme un bateau sans boussole et sans commandant. Et les élections qui devraient lui porter un nouveau souffle et de l’espoir, deviennent elles-mêmes source de ses plus grandes angoisses.
On a encore jour pour jour deux semaines et cinq jours pour rectifier le tir et remettre au centre des débats politiques, les questions sécuritaires et des accords suicidaires signés par les deux derniers quinquennats en large qui s’avèrent être la clef de voûte de tout le problème de la mauvaise gouvernance du grand Zaïre. Réveillons-nous !
Par la Rédaction