Les habitants de la ville de Kinshasa regardent d’un œil un peu perplexe, les timides travaux de bouchage des nids-de-poule entrepris depuis environ 3 mois par la Communauté urbaine.
Ceux qui s’attendaient à un vaste chantier doivent se résoudre à reconnaître que ce n’est pas un branle-bas à la hauteur de la vague d’espoir déclenchée par le coup de semonce du Premier ministre, chef du gouvernement, le 14 octobre dernier lors de la cérémonie de lancement de ce projet. Jean- Michel Sama Lukonde, interpellant le ministre des Infrastructures, avait fait constater le visage disgracieux que présente la capitale, notamment à travers ses routes, avant d’instruire des actions rapides de réparation.
En réalité, le chef du gouvernement lui-même habitant de Kinshasa évidemment, ne faisait que joindre sa voix à celles des populations qui depuis le début de la saison des pluies, sont les victimes directes de l’état de dégradation avancée des routes de la ville. Les réseaux sociaux, comme à leur habitude, en avaient déjà fait un grand ramdam, en relayant à leur manière, les complaintes des Kinoise, spectateurs impuissants et souffre-douleurs de cette situation difficile. Pour ceux qui vivent dans la capitale, pas besoin d’un dessin. Comme par un effet boule de neige, les nids-de-poule semblent avoir subitement pris le contrôle de la plupart des rues.
Pratiquement aucune partie de la ville n’est épargnée, pas même le centre-ville, où des trous parsèment les axes les plus emblématiques. La circulation est devenue plus lente, plus pénible, avec des bouchons plus réguliers, causés par les acrobaties des automobilistes essayant d’esquiver les nids-de-poule, en plus des causes habituelles (incivisme, insuffisance des voies alternatives, parc automobile grandissant, poussée démographique…) Exemple : si vous aviez l’habitude de quitter votre domicile le matin à 6h30, vous avez intérêt désormais à partir 10 à 15 minutes plus tôt, pour faire avec le ralentissement imposé par les trous sur la chaussée.
Le PM a donc parlé. Et sa sortie a été immédiatement suivie par celles des responsables directement interpellés. Puis, l’on a vu quelques chantiers s’ouvrir. Des couches de béton remplir les trous à certains endroits. De la terre à d’autres. Et c’est presque tout. Sauf que nous sommes bien en plein dans ce qu’il est convenu d’appeler la « grande saison des pluies ». Et dans beaucoup de cas, le béton en question n’a pas eu le temps de sécher, vite lessivé par le ruissellement abondant des eaux. Résultat : bon nombres de trous bouchés se sont à nouveau ouverts. Et les nombreux autres, qui attendent encore leur tour, se sont davantage approfondis. Les mécaniciens sont aux anges, les vendeurs de pièces détachées aussi. Les amortisseurs et autres pièces des systèmes de suspension automobile ne se sont jamais aussi bien vendus. Et Dieu seul sait que ce sont parmi les éléments les plus coûteux dans l’entretien d’un véhicule.
Le Premier ministre va peut-être devoir convoquer une autre réunion. Parce que les choses ne donnent pas vraiment l’impression de s’accélérer, deux mois après sa sortie.
Au contraire, en dehors de quelques actions çà et là, comme à Elengesa où des couches de bitume ont été posées, le rythme des travaux est plus proche d’un effet de saupoudrage. De toute façon, quelques mois après, la circulation n’est pas perturbée par des engins et des ouvriers à l’assaut des nids-de-poule, comme on aurait espéré. Les causes des embouteillages, ce sont malheureusement encore et toujours les mêmes trous, un peu plus larges et profonds à chaque passage, à chaque pluie. Les mêmes cratères, les mêmes mares d’eau boueuse. Les mêmes effets dévastateurs sur les voitures. C’est pourquoi les regards sont de nouveau tournés vers le chef du gouvernement. C’est lui qui a eu la bonne idée d’enclencher le mouvement, en mettant face à leurs responsabilités les managers des institutions de l’Etat en charge de cette question. Il est bon que la pression reste forte pour la résolution de ce problème sérieux. Car il va sans dire que la qualité de vie dans la capitale Kinshasa, vitrine du pays s’est considérablement dégradée. Voilà les fêtes de fin d’année qui arrivent, avec leur lot d’affluence dans les rues.
Après le temps des constats, de l’indignation, de l’identification des solutions, place à l’action. C’est là que les populations attendent les pouvoirs publics. Et pour le moment, le moins que l’on puisse dire, c’est que leur sentiment est plutôt mitigé. Comme si on leur avait servi juste un effet d’annonce, là où ils attendent du concret pour pouvoir à nouveau circuler sans encombre. Pour y parvenir, il apparaît que plusieurs axes de la ville méritent beaucoup plus qu’un bouchage des nids-de-poule. Compte tenu de l’état des dommages, une réhabilitation, voire une reconstruction pure et simple semblent s’imposer. Pour le reste, il est clair que le simple béton ou la latérite ne peuvent être que des solutions provisoires qui finiront en poussière dès que s’installera bientôt la grande saison sèche.
Il va sans doute se poser une question de moyens et d’organisation de tout ce travail. Et là-dessus, la répartition des tâches et des ressources mériterait peut-être une remise en question. On sait par exemple que les maires d’arrondissement font depuis un moment entendre leurs voix pour demander une prise en compte plus conséquente de leur rôle dans l’entretien des routes. La réalité est que cette compétence et évidemment les ressources liées restent centralisées, le gouvernement au niveau central, et les Communautés urbaines gardant pour l’essentiel, la mainmise sur ce secteur. L’entretien routier fait pourtant bel et bien partie des compétences déjà transférées aux collectivités territoriales décentralisées dans le cadre du processus de décentralisation. Mais jusqu’ici, les voiries urbaines semblent échapper à ce changement. Une gestion plus locale aurait le mérite d’une surveillance plus rapprochée, d’une identification plus rapide des points de dégradation et une action plus prompte. On imagine que c’est pour cette raison que le Premier ministre a associé le gouverneur de la ville à cette réflexion.
Mais trêve de littérature ! Kinshasa a besoin de retrouver des routes en bon état. On peut difficilement faire pire que la situation actuelle. Alors, au travail, pour de vrai !
Par Gédéon ATIBU