Les langues maternelles sont considérées comme les mieux appropriées pour véhiculer la compréhension authentique du monde. En République Démocratique du Congo (RDC), cependant, on constate une diminution de leur usage au profit du français, même dans les foyers.
Cécilia Kalambayi 18 ans, se déclare Pende. Dans un français limpide, elle avoue qu’elle ne comprend pas grand-chose dans cette langue nationale. « Certes, je comprends quelques mots, mais je ne peux pas parler le baoulé ».Cécilia Kalambayi a passé une grande partie de son enfance à Kinshasa.
« Je suis Pende, persiste-t-elle. Ma maman parlait rarement la langue avec moi. Mais avec mes amis, c’était le français ou le lingala », explique-t-elle.
Comme Cécilia, bien des personnes en RDC ne parlent pas ou ne parlent plus leur langue maternelle. D’autres, comme Marina, 34 ans, ne comprennent rien des langues dont ils se revendiquent.
« Je suis née d’un père Luba et d’une mère Tetela. Je ne parle aucune de ces langues. Mes deux parents ne se parlaient qu’en français à la maison », révèle cette mère de trois enfants, qui, eux, n’ont pas de choix face au français, langue officielle…
Huit ans après l’adhésion, en 2016, de la RDC à l’Initiative ELAN-Afrique, un programme visant à appuyer les pays d’Afrique subsaharienne francophone dans la mise en œuvre d’un enseignement bilingue (langues nationales-français), les langues maternelles restent encore largement inféodées par le français.
A qui la faute ?
De nombreux observateurs estiment les pays africains et particulièrement la RDC sont sérieusement menacés d’acculturation.
« Les Indiens ont connu la même situation. Ils sont devenus des Américains ou des Anglophones. Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, lorsque vous rencontrez un individu qui est censé parler la même langue maternelle que vous, si vous l’abordez dans cette langue, il sursaute de surprise ! Et pourtant, il ne faut pas avoir honte de parler sa langue maternelle», conseille plusieurs éducateurs. Qui se félicitent de constater que certaines personnes font des efforts d’imposer leur langue sans complexe.
C’est justement le cas d’Alphonse Kabengela. « Tous mes enfants parlent le Pende quel que soit leur niveau d’étude », souligne ce père de famille. « La langue maternelle est primordiale dans notre société. Elle permet de garder les pieds dans la traduction et la tête dans le monde moderne. C’est le socle même de l’homme. Le français, on l’achète pour le mettre dans la tête de l’enfant. Mais la langue maternelle est naturelle », défend-il.
Selon une étude de l’UNESCO diffusée en 2002, pas moins de 5 500 langues sur 6000 dans le monde disparaîtront d’ici à un siècle et seront devenues des langues mortes. Ce qui veut dire que 90 % des langues dans le monde seront liquidées au cours de ce siècle.
Pour préserver ces langues de ce « massacre » l’organisation onusienne célèbre chaque 21 février de l’année la journée internationale de la langue maternelle.
Depuis 16 Mars 2016, elle s’engage aux côtés du gouvernement congolais à promouvoir l’utilisation des langues maternelles comme vecteur et outils d’enseignement à l’école. Au pays, qu’est-ce qu’on attend pour vraiment à sauver nos langues maternelles ? La question demeure.