Parmi les énigmes les plus impénétrables en RDC figurent celle des sifflets qui grésillent de partout à la cérémonie de collation des grades académiques, avant et après l’annonce du nom de candidat qui vient de recevoir un diplôme. Certes, un arbitre d’un match siffle pour signaler une faute ou annoncer la fin d’une partie sportive. Un policier siffle pour remettre de l’ordre.
Mais les sifflets à l’université, on a dû mettre beaucoup d’années de réflexion pour en lever le voile du mystère. Et l’explication la plus plausible regarde moins le caractère festif de l’événement lui-même que la culture du bruit qui s’est emparée de nouvelles générations et qui, au plus profond, cache un vide. Un vide ontologique doublé d’une misère anthropologique, cela s’entend . Plus ce vide est abyssal, plus le bruit devient assourdissant comme pour cacher ce qu’aucun étudiant ne veut qu’on voie en lui et dans ses pairs…
Entretemps le bruit fait des ravages et sa déferlante touche à tout et à tout le monde. On étudie dans les bruits. On prie dans les bruits. On lit dans les bruits. On débat dans les bruits. On dort dans les bruits. On compose dans les bruits. Parents, amis et connaissances viennent partager la joie du nouveau lauréat, sifflets au cou. On est donc proclamé dans les bruits devant le sourire béat des professeurs qui s’y sont accommodés. Un bruit qui se saisit de tout, qui impose sa dictature jusqu’à rendre la réflexion alambiquée et on ne peut plus stérile.
Pour tout dire au sujet de cette sociologie du tapage et du tohu-bohu auprès des congolaises et des congolais censés représenter la crème intellectuelle d’un peuple, le bruit a déjà eu le dessus sur leur intériorité, il a réussi à enivrer leurs esprits et les vide lentement mais sûrement de toute quintessence. Le décibel du bruit se fait alors proportionnellement à la profondeur insondable du vide dont il se dégage… Le slogan « Make Noise » ( faites du bruit) de l’ex-président gabonais est loin de se faire ici une pressante exhortation. Il n’est plus que l’estocade, l’impulsion d’un déjà-là africain, d’une culture ambiante du bruit qui gagne le pari de mettre tout le monde hors de soi et de rendre impuissante aussi bien l’élite intellectuelle que les masses populaires devant les enjeux de l’heure.
À rebours des tintamarres des cérémonies de collation académique doit se réimposer le silence, non point celui absolu qui équivaudrait à la négation du logos, au déni de la parole qui est l’essence même de la réflexion et du débat mais ce silence-là qui prend la tonalité des événements en tant que compréhension que le Dasein a de lui-même et du monde. Ce silence là qui comble la vacuité existentielle parce qu’à l’instar de Socrates, il interroge, fait parler, brise le silence pour cette fois-ci nourrir les esprits et les faire vivre. Un silence qui ne fait ouvrir la bouche que pour remblayer le néant creusé dans ce monde brisé et bruyant en vue de convoquer la plénitude de l’être et des possibles qui ne réalisent pas encore.
Par la Rédaction