Le gynécologue congolais Denis Mukwege a, ensemble avec ses équipes, publié la note de plaidoyer pour l’adoption d’une « stratégie nationale de justice Transitionnelle.» Il estime que « le chemin de la paix passera par la justice tant rétributive que réparatrice.»
Ce rappel du Prix Nobel de la Paix 2018 intervient au lendemain de la commémoration de la journée du génocide congolais mercredi 2 août 2023.
En marge de cette journée doublement symbolique pour la RDC, le chef de l’Etat congolais, Félix Tshisekedi a « encouragé le Parlement à prendre des lois visant à écarter les auteurs de crimes de l’accès aux responsabilités », affirmant que les vieilles recettes – lois d’amnistie ou intégration au sein des administrations publiques consacrant l’impunité sont à oublier, exprimant son souhait de mettre fin à la politique immorale d’accorder des promotions à ceux qui devraient répondre de leurs actes devant la justice nationale et internationale.
Des propos qui ne témoignent pas de sa détermination à mettre fin au régime de l’impunité en RDC en ce sens que l’écart est tellement éloquent entre ce qui est dit et ce qui est fait, constate Denis Mukwege.
« Le Chef de l’État ne semble pas saisir l’importance d’intégrer les réformes institutionnelles dans la mise en œuvre d’une stratégie nationale holistique de justice transitionnelle, alors que le lien le plus manifeste entre la justice transitionnelle et la réforme des institutions consiste précisément dans la mise en place d’une procédure d’assainissement (vetting) des agents de l’Etat », a souligné le gynécologue congolais.
En effet, ce qui l’offusque le plus est le fait pour le chef de l’Etat de nommer dans le gouvernement Sama II deux ex- chefs de guerre au rang de Ministre et Vice-premier Ministre.
« De plus, Président n’apparaît pas sensible au respect du principe de cohérence, lui qui a, entre autres, profité du dernier remaniement du gouvernement en mars 2023 pour nommer 2 ex-chefs de guerre au rang de Ministre et Vice-Premier Ministre, après avoir désigné, deux ans plus tôt, soit le 7 août 2021, un ancien cadre du Rassemblement Congolais pour la Démocratie et chef d’une milice, l’Alliance de Libération de l’Est du Congo (ALEC) proche du M23 et du Rwanda, au poste de coordinateur national du Programme National de Démobilisation, Désarmement, Relèvement communautaire et Stabilisation (PDDRC-SS) », a déploré le Prix Nobel Denis Mukwege.
L’Est de la République démocratique du Congo est en proie à une insécurité grandissante créée par des groupes armés nationaux comme étrangers soutenus par certains pays voisins dont le Rwanda et l’Ouganda, qui poursuivent leur interventionnisme armé, les atteintes à la souveraineté et à l’intégrité et le pillage des ressources naturelles de la RDC.
Très formel, le Dr Denis Mukwege est persuadé que la culture de l’impunité installée en RDC depuis de nombreuses années est à la base de l’insécurité. Il croit dur comme fer que la justice transitionnelle est ce qui pourra permettre à la RDC de se défaire totalement de ceux qui osent prendre des armes pour déstabiliser les institutions établies et étancher la soif des victimes quant à une justice qui inquiète les bourreaux, c’est-à-dire ceux qui exécutent des ordres et ceux leurs commanditaires.
Par Gédéon ATIBU