Precious Petu, journaliste travaillant à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, occupe également le poste de chargée de communication à la division provinciale du Genre, Famille et Enfant. Elle exprime sa préoccupation face à la persistance du harcèlement sexuel dans les milieux professionnels, notamment dans le secteur des médias. Sollicitée par la Radio de la Femme via WhatsApp, cette activiste des droits des femmes partage son point de vue sur ce phénomène.
Existe-t-il une différence entre le harcèlement sexuel et les avances polies ?
Les formes d’approches courtoises peuvent être interprétées comme des initiatives polies de séduction réciproque, où les deux parties expriment une ouverture à des avances romantiques. Le harcèlement sexuel, en revanche, implique des comportements non sollicités qui créent un environnement de travail hostile. Il peut inclure des avances sexuelles non désirées, des commentaires inappropriés ou des gestes de nature sexuelle. Par exemple, l’envoi de messages, stickers ou photos à caractère sexuel. Le harcèlement sexuel survient lorsque ces actions sont effectuées sans le consentement de la personne visée.
Que pensez-vous du phénomène du harcèlement sexuel dans le monde des médias ?
Ces dernières années, des cas de harcèlement sexuel dans le domaine des médias ont été largement médiatisés, impliquant des personnalités connues. Au Nord-Kivu, les journalistes peuvent craindre de dénoncer de tels agissements par peur de perdre des opportunités ou d’accéder à des informations. Cela peut les conduire à tolérer des situations intimidantes en silence, même si elles se sentent découragées au fond d’elles-mêmes. Cette situation peut être étouffante, et certaines personnes subissent du chantage. Pour préserver leur identité professionnelle, elles choisissent souvent de se taire et de supporter ces situations. Il est crucial de sensibiliser à ce problème et de mettre en place des mesures pour lutter contre le harcèlement au travail et dans le monde des médias.
Avez-vous des chiffres sur le phénomène en RDC ?
Je me réserve parce que je n’ai pas une précision en termes de chiffres exacts parce qu’il n’y a pas de résultats d’études. Peut-être parce que la question n’est pas traitée dans le fond et que beaucoup de femmes n’en font pas cas. Aussi parce que les femmes ont peur de porter plainte. Cette peur est due à plusieurs hypothèses qui turlupinent l’esprit. Elles se disent : « sûrement que je vais perdre mon emploi si je le dénonce ; Je suis sûr qu’ils vont dire que je l’ai bien cherché ; si cela prend une autre tournure qui va me protéger ; aussi parce qu’il n’y a pas de statut clair sur la question dans le code de déontologie qui protège la femme en particulier ».
Est-ce que ce phénomène ne vous décourage dans votre travail de femme des médias ?
On est souvent soumises à la domination du plus fort. Par exemple, lorsque le harcèlement sexuel émane du directeur d’un média, il peut être difficile de dénoncer la situation par peur de perdre son emploi. Ce genre de défis peut décourager, mais il est essentiel de persévérer et de trouver des solutions créatives pour surmonter ces obstacles. Il est important d’avoir le courage de dénoncer, sinon on risque de rester sous l’emprise d’une personne et de ne pas exprimer pleinement son potentiel
Quelles solutions proposez-vous pour briser ce tabou ?
Je ne suis pas au courant de la réalité à Kinshasa, mais à Goma, il y a des femmes journalistes bénévoles qui ne peuvent compter que sur le coupage pour vivre. Faute d’un salaire minimum, certaines se retrouvent vulnérables face aux personnalités publiques. C’est pourquoi nous insistons sur la nécessité de dénoncer ces cas de harcèlement. Il est essentiel que les femmes aient un esprit créatif et indépendant afin de ne pas dépendre d’un métier de journaliste mal rémunéré, tel que nous le connaissons en RDC. Il est également crucial de promouvoir la diversité et l’inclusion dans les médias.