La parité homme- femme en politique a encore du chemin à faire en République démocratique du Congo. Ce constat glacial est bien partagé par des femmes politiquement engagées que par des organisations des droits des femmes œuvrant en RDC aussi bien qu’à l’extérieur du pays.
En dépit d’une loi électorale qui exempte les listes qui alignent 50% au minimum de femmes dans une circonscription du paiement de la caution, les femmes n’ont pas fait mieux que 3955 de candidatures féminines déclarées conformes et recevables par la CENI soit 17% en 2023. Des chiffres plutôt encourageants par rapport à 2018 où leur représentativité était estimée à seulement 11%.
Qu’est-ce qui est à la base de ce faible taux de participation des femmes aux législatives nationales ?
Les raisons ne sont pas à chercher ailleurs. A en croire Léonnie Kandolo Omoyi, les partis politiques ont une double responsabilité de valoriser les femmes et de sécuriser leurs dossiers de candidature. Pince-sans-rire, elle charge les partis et regroupements politiques de frainer l’ambition politique des femmes.
« Il est vrai que la CENI a publié une loi qui était très favorable aux femmes parce que les listes paritaires auraient permis de faire énormément d’économie vu que les cautions ne seraient pas payées. Mais que pouvons- nous faire ? Je crois qu’il faut commencer par les dirigeants des partis politiques qui doivent valoriser les femmes qui sont dans leurs mouvements et sécuriser leurs dossiers. Beaucoup de femmes dont les dossiers ont été déposés ont été changés au niveau des mandataires. Ce qui n’est pas normal et je dirais presque à la limite scandaleux », a dénoncé Léonie Kandolo au cours d’une interview exclusive accordée à la rédaction Radiodelafemme.net.
Dans ce même ordre d’idées, la militante des droits de la femme plaide pour une « volonté politique plus forte » en mettant des obligations pour la représentativité des femmes sur la scène politique.
« La parité est constitutionnelle en RDC ; c’est vrai aussi qu’il y a moins de femmes dans les partis politiques que d’hommes parce qu’elles ne sont pas utilisées avec le maximum de leurs capacités », a-t-elle expliqué sans fard aux yeux.
Manque de moyens financiers des femmes, un handicap ?
Consciente du faible pouvoir économique des femmes pour battre la campagne électorale, Léonie Kandolo prodigue de précieux conseils à toutes les femmes pour leur permettre d’accroître leurs représentativité et participation à la vie politique.
« C’est un fait que les élections coûtent chères et souvent les femmes n’ont pas les mêmes moyens financiers que les hommes », confie-t-elle. Toutefois, elle estime que cette difficulté ne peut constituer un frein à l’ambition politique des femmes. Car, croit-elle que cet obstacle peut être contourné si l’on mise sur une préparation rigoureuse d’au moins 5 ans d’avance.
« C’est vrai que les moyens financiers sont nécessaires mais si vous étalez votre visibilité et vos actions dans la communauté durant cinq ans, ce sera beaucoup moins lourd financièrement », a-t-elle indiqué.
Cette préparation sera utile aux femmes dans la mesure où elle leur permet de préparer et présenter leurs dossiers de candidature en bonne et due forme pour éviter le cas de plus de 1500 dossiers des femmes recalés par la CENI pour leur inconformité.
Pour cela, cette figure remarquable de la société civile estime qu’il est « important de connaître la loi, de lire le texte et de savoir tous les documents qui sont demandés et de pouvoir les avoir en temps et en heure voulue».
« Laisser de place à la femme »
C’est là un autre défi, note Mme Léonnie Kandolo, qui pointe du doigt accusateur les hommes de faire taire les femmes malgré leurs compétences, ambitions et courage dont elles font preuve au cours de dernières années en République démocratique du Congo.
« Les femmes sont déjà désavantagées parce que nos parents ne voient pas en nous des leaders politiques au départ. L’éducation qu’on donne aux filles, surtout dans des communautés de base et à l’intérieur du pays n’est pas orientée à faire d’elles des leaders pourtant elles ont les mêmes capacités que les hommes. Mais est-ce qu’on leur laisse l’espace ? Vous savez pour agir, il faut que vous ayiez un espace. On ne doit pas se battre avec des poings pour y arriver. Et je crois que le vrai problème au niveau de nos pays est que les hommes ne veulent pas laisser de place aux femmes malgré la parité voulue par la loi fondamentale», a-t-elle souligné.
Ancienne porte-parole du Comité Laïc de Coordination (CLC), qui exigeait, entre autres, l’organisation des élections de 2018, Mme Léonnie Kandolo Omoyi insiste sur «une réelle volonté politique de toutes parts pour que cela puisse se réaliser surtout des dirigeants des partis politiques. C’est là que ça se joue puisque beaucoup de choses ont déjà évolué au niveau du chef de l’État»
Grâce à la masculinité positive du chef de l’État, les femmes ont pu voir leur nombre de représentativité dans le gouvernement augmenter jusqu’à 30%. Pas assez, concède Léonnie Kandolo qui appelle les décideurs politiques à faire de plus en plus confiance à la femme pour lui permettre de confirmer davantage tous les biens que les congolais pensent d’elle.
« Les congolais font de plus en plus confiance aux femmes. De plus en plus, ils voient que les femmes qui émergent font un travail positif dans la communauté. Mais pour que la population en général puisse avoir confiance dans les femmes et s’identifier à elles, il faut qu’elles soient dans des postes de responsabilité… Quand on nomme des femmes à des postes importants, ça permet aux jeunes filles de s’identifier à elles et se dire que c’est possible à leur tour. Je peux…»
Sans être défaitiste, Mme Léonnie Kandolo croit en un Congo meilleur où la femme est totalement impliquée pour changer le cours de l’histoire de son pays.
Par ailleurs, elle exhorte les femmes à se saisir de cette augmentation de leur participation aux échéances électorales pour se préparer en 2028 et faire mieux qu’en 2023.
« Je remarque qu’il y a une augmentation de la participation des femmes. Ce n’est peut-être pas ce que nous souhaitions, mais je pense que nous irons étape par étape. Plus de 3000 femmes candidates, c’est quelque chose de positif et je pense que nous devons les encourager en parlant également aux partis politiques et aux femmes pour que nous ayions de meilleurs scores aux prochains scrutins. J’ai bon espoir que nous verrons dans le parlement un changement significatif. Les femmes sont des battantes et elles ont envie que les choses changent dans la gouvernance parce que leur approche est différente. Plus vous avez des femmes dans la gouvernance, plus vous avez un pays où le bien-être est assuré», a-t-elle conclu.
La reconstruction du Congo sans la femme n’est que la poursuite du vent. Les pays qui l’ont compris ont fait un pas très vers l’émergence économique. Le rôle de la femme dans le développement communautaire est significatif et non négligeable.
La RDC a la chance d’avoir cette catégorie de femmes capables de faire la différence et de répondre aux défis que leur société rencontre. Il est simplement question de leur laisser un peu d’espace et de les utiliser avec le maximum de leurs capacités. Sinon…
Par Gédéon ATIBU